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Réforme des retraites : que la bataille commence

Le résumé

  • Une bataille de l’opinion se déroule dans les médias et sur les réseaux sociaux. Comme l’issue parlementaire ne fait que peu de doute, la seule stratégie est de faire plier le gouvernement par la rue et par l’opinion publique. Les oppositions sont donc logiquement pleinement actives principalement sur les réseaux sociaux et dans les amendements. Ces derniers permettent de faire durer les débats et d’occuper également l’espace médiatique le plus longtemps possible. Le gouvernement de son côté a une stratégie de “pédagogie” en publiant des communiqués d’études chiffrées, en organisant des présentations de la mesure parmi ses troupes, et en faisant beaucoup de fact-checking sur les réseaux sociaux.
  • Une pluie d’arguments tombent contre la réforme et sont fortement anglées par le prisme de l’interlocuteur. Si l’on observe énormément de discussions factuelles, (comparaison avec la Suède, études prouvant des inégalités, la stagnation de l’espérance de vie) ce sont surtout les discussions anglées par le logiciel politique de l’émetteur (Une réforme poussée par l’Europe pour les Frexiteurs, une réforme anti-écologique pour EELV, une réforme anti-femme, antisocial et non nécessaire car il suffirait de taxer les milliardaires) qui occupent les réseaux sociaux.

La bataille des opinions : “pédagogie” et contre-feux s’opposent

Cartographie des opinions sur la réforme des retraites

Dans le mesure où le débat occupe tout l’espace médiatique, on a également des stratégies de cadrage où l’on tente d’amener des débats qui ne sont pas au coeur du sujet. Ainsi du côté de la France Insoumise, on lance des contre-feux en tentant de brasser extrêmement large et avec un brin de mauvaise foi.

Ainsi, les politiques LFI mentionnent allègrement “le profit des actionnaires” derrière la mesure sans trop que l’on comprenne en quoi cela joue, sauf si le fait qu’avoir à employer des employés de plus de 60 ans, fatigués, relève d’une tactique entrepreneuriale secrète. Pour Sandrine Rousseau, la réforme est anti-écologique car travailler pollue. De même, Florian Philippot clame que cette réforme est une volonté de l’Europe, une énième preuve qu’il faut enclencher un Frexit. Alexis Poulin englobe les deux thèses indiquant que la réforme n’a qu’un seul but : satisfaire les marchés financiers et l’UE. Il signale également que le cabinet McKinsey a facturé 957 674,20€ à la Caisse nationale d’assurance-vieillesse pour “préparer la réforme des retraites”. Oxfam en profite pour y placer une alternative à la réforme : taxer les milliardaires. Dans un registre moins politique, on remarque aussi que la question du coût du travail est abordée par tout un certain nombre d’acteurs économiques qui pointent le fait que le travail est déjà énormément taxé.

En dehors de ces stratégies de détournement, quelques attaques chiffrées et annoncées par les médias (France Inter, Libération) font état que la réforme créerait une inégalité où les femmes devraient travailler plus longtemps, tandis qu’il y a un vrai écart entre travailleurs pauvres et travailleurs riches qui feraient en sorte que 29 % des travailleurs pauvres seraient déjà morts au moment de prendre leur retraite. De même des exemples d’autres pays sont illustrés comme le cas de la Suède où le projet de réforme a appauvri les retraités. François Malaussena dénonce le mensonge du gouvernement en reprenant les chiffres de l’espérance de vie depuis la dernière réforme pour montrer que celle-ci n’a pas augmenté.

Enfin, le timing de la réforme (en pleine crise de l’énergie et de l’inflation) est dénoncé par François Ruffin tandis que la méthode est dénoncée par Nicolas Dupont-Aigan qui souhaite que l’on décide par référendum citoyen.

Le traitement médiatique : des chiffres, des sondages et du débat

Du côté du traitement médiatique, on tente de poser via des chiffres les enjeux de la réforme. Elle serait injuste chiffres à l’appui. Ces derniers sont également utilisés pour pratiquer un grand nombre de fact-checking des arguments de chacun.

Dans le même temps, l’opposition à la réforme et le support aux mouvements de grève font l’objet d’intenses sondages qui s’égrainent telle la météo du jour. Enfin, les chaînes d’information en continu organisent de nombreux débats qui sont l’occasion pour les deux camps d’obtenir des séquences filmées dont ils se servent allègrement sur les réseaux sociaux pour publier.

La bataille des formats : l’utilisation des réseaux sociaux plus que les questions parlementaires, mais surtout les amendements

Au niveau des questions parlementaires, cela reste encore très léger. Tout juste le groupe LR a posé quelques questions pour des cas très spécifiques comme l’allocation adulte handicapé ou l’inégalité homme-femme. Pour le reste, cela reste silence avant la tempête. C’est surtout du côté des amendements qu’il faut regarder. Même si on est encore loin des 19 000 – 23 000 amendements déposés en 2020, les partis sont extrêmement actifs. Et là La Nupes est très bien positionnée avec 3 303 amendements pour LFI, 1 320 pour les écologistes, 1 152 pour les socialistes.

Contrairement à la plupart des projets de loi où l’on n’entend que très peu les médias ou la société civile, la bataille se joue ici très clairement du côté des réseaux sociaux et des médias. Ces derniers représentent d’ailleurs près de 50 % des tweets de notre panel Follaw : (panel des 18500 personnes sociétales les plus influentes au niveau français et européens)

Et dans cette bataille auprès de l’opinion publique où les entreprises se taisent dans toutes les langues et les réseaux, les députés LFI restent le parti qui place le plus de députés parmi les plus actifs.

Députés les plus actifs sur les réseaux sociaux

Et pour autant, c’est en réalité le groupe RN qui est le plus actif en volume sur les réseaux sociaux :

Au regard du nombre de députés Renaissance, on ne pourra que dire que celui-ci reste très timoré pour l’instant à défendre le projet de loi et on les sent dans une certaine forme d’attentisme et en réaction. Reste que pour la majorité, la stratégie semble clairement être d’occuper le terrain dans les débats télévisés et comme à l’accoutumée d’incarner le projet via ses poids lourds ministres. Les narratifs sont clairement le fact-checking, mais avec très peu d’engagements sur les différentes publications :

Les députés les plus actifs sont Éric WOERTH, Aurore BERGÉ, Marc FERRACCI, Louis MARGUERITTE, Karl OLIVE, Patrick VIGNAL, Constance LE GRIP, Stéphanie RIST, Violette SPILLEBOUT, Monique IBORRA et Rodrigue KOKOUENDO. Mais ceux-ci n’ont globalement que très peu d’engagement et la cellule de riposte et l’organisation social media de la majorité restent le plus faibles des gros partis de l’assemblée avec une absence de militance organisée, et une absence de stratégie commune.

Par ailleurs, fidèle à sa stratégie de documentation et de fact checking, un communiqué très détaillé sur l’emploi des seniors a été déployé :

Détail amusant, l’article n’a pas toujours eu le même titre puisque l’on identifie via l’URL générée que celui-ci était au départ bien plus offensif :

Par ailleurs, le gouvernement a enclenché toute une série de rendez-vous afin de présenter à la majorité le projet de réforme :

Bref, tout cela montre que la plupart des parties prenantes sont dans les starting block. Les séances de commission peuvent commencer !

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