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PLFSS 2023 : déserts médicaux et jeunes médecins généralistes

Dix ans au lieu de neuf pour devenir médecin généraliste ? C’est le projet du gouvernement dans le cadre de la PLFF. Nous nous sommes donc intéressés à ce sujet pour déterminer le poids des parties prenantes et leur capacité à lutter contre la mesure gouvernementale.

Malgré sa couverture médiatique, la polémique reste cantonnée à son secteur

La problématique a largement été couverte et relayée par les médias, surtout par la presse spécialisée. Pour autant, cette couverture médiatique n’a pas aidé le secteur médical qui est bien esseulé pour faire monter la notoriété sur ce sujet. principalement pour protester contre le prolongement des études de médecine. En plus d’entraîner une faible mobilisation globale (180 mentions dans notre panel en 9 mois), dans la société civile, la polémique est saisie uniquement par les experts médicaux, les étudiants en médecine et leurs représentants (syndicats et associations d’étudiants, fédérations).

Unanimité de la société civile et division au sein des groupes politiques

Globalement, les parties prenantes mobilisées dans la société civile s’opposent à cette proposition. Mais elles sont trop peu nombreuses, n’ont pas assez de relais et peinent à faire émerger le sujet auprès du grand public. Elles peinent également à mobiliser les partis de façon homogène. Par exemple, chez Républicains, Bruno Retailleau est pour la mesure. Sylvie Goy-Chavent est contre. Seul le RN, souvent homogène dans ses choix semble favorable.

Une concentration de l’activité au Sénat

L’essentiel de l’activité se trouve principalement au sénat. Nous notons alors deux dynamiques dans l’activité :

  • Les sénateurs, notamment du groupe Les Républicains, sont les plus actifs sur Twitter et sur l’activité législative globale, surtout sur le volet questions au gouvernement.
  • Les députés, en particulier ceux du Rassemblement National, sont plus actifs sur le dépôt d’amendements mais très peu sur Twitter et les questions.

I. Identifier les enjeux

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est toujours indispensable de voir dans quelle mesure les enjeux sont grands et multiples autour de la problématique. Nous isolons :

Le contexte : derrière cela, on a un contexte assez compliqué avec une tension autour du secteur médical né du covid mais avec des illustrations actuelles comme l’épidémie de bronchiolite et les nombreux plans blancs. On attaque également des études qui durent déjà pas moins de 9 ans ! D’une manière bien plus large, signalons l’exode urbain actuel où les campagnes tendent à être délaissées.

Les enjeux : ils sont multiples. Premièrement, nous touchons à une problématique importante qu’est la fracture territoriale, le budget de la santé (devenu important avec l covid) , la précarité étudiante dans un contexte d’inflation, le manque de personnel médical latent et tout cela dans un objectif d’égalité dans l’accès des soins.

Les objectifs : le gouvernement veut lutter contre les déserts médicaux et le manque de personnel médical qui impacte énormément de personnes. Cette mesure profiterait à beaucoup de personnes. De l’autre côté, le financement des études de médecine et les griefs soulevés par les étudiants et le secteur coutent à peu de personnes.

Cette problématique est bien schématisée en recherche et en matrice par Lowi-Wilson où l’on analyse la meilleure stratégie dans le cas d’une proposition bénéficiant à beaucoup (tous les Français), mais coûtant à peu de personnes. (les étudiants en médecine) Dans ce cas de figure,

Matrice Lowi-Wilson

Déjà à la base du modèle, des personnes ont analysé que “la santé offrait des possibilités particulières de politique entrepreneuriale en raison de son attrait émotionnel”. Le fait qu’il faille bouger fait en sorte que l’intérêt du plus grand nombre s’impose naturellement au plus petit nombre et cela par la couverture du sujet de la désertification médicale, bien plus abordé. Sans installer un autre narratif ou en ayant des alliés, le sujet est perdu.

II. Quelles forces en présence pour quels narratifs ?

En analysant les parties prenantes actives sur le sujet, on se rend rapidement compte que ce sujet a été perdu par le secteur. En effet, seuls les politiques ont été mobilisés en dehors de quelques médias dans un discours relativement expert et spécifique.

Cartographie des parties prenantes

Dans les opinions, LR est divergent tandis que la société civile tire à boulets rouge sur la mesure, principalement en raison du choix du médecin d’être là où il désire, sur le fait que l’état ne doit pas décider des programmes académiques et sur le fait que cette mesure ne va rien résoudre.

Cartographie des opinions

D’un point de vue politique, on va observer des prises de position forte avec des personnalités peu connues du grand public :

Prises de parole des députés

Au niveau des moyens mobilisés par les politiques. On observe une dichotomie :

  • Au Sénat, on a beaucoup posé de questions
  • A l’Assemblée on a déposé des amendements.

Dans les deux cas, la mobilisation est plus large sur les réseaux sociaux.

Les 3 personnes politiques qui nous apparaissent les plus importants sur ce sujet sont Bernard Jomier, Corinne Imbert et Olga Givernet.

Voici leur fiche sous forme d’images :

Cette analyse a été réalisée par Solenn Udron-Lauret.

III. Méthodologie

Cette étude a été réalisée au moyen du contenu de notre plateforme de veille et d’analyse institutionnelle et réglementaire Follaw.sv qui rassemble les 15 000 comptes Twitter des acteurs les plus influents du Twitter francophone (ex. médias, journalistes, personnalités politiques, institutions).

Sur base d’une requête sémantique, nous avons analysé :

Les contenus en lien avec le sujet de l’étude, ainsi que l’émergence de parties prenantes.

Les tweets et l’activité parlementaire des députés et sénateurs français.

A partir de ces données, nous avons identifié et sélectionné les parlementaires actifs et influents sur le sujet