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Le guide des amendements de Follaw

Nous organisons un Concours « Procédure et Plaidoyer » où une équipe de 3 personnes maximum participe d’abord à l’épreuve écrite qui est la rédaction d’un amendement suivi d’une prestation oratoire. (Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 7 juin 2024)

Nous organisons un Concours « Procédure et Plaidoyer » autour de l’amendement. C’est donc l’occasion parfaite de faire le point sur les amendements en utilisant Follaw et toutes nos méthodologies.

Venant à la base du monde de la communication ainsi que de la crise tout en débarquant dans le monde des affaires publiques, autant vous dire que les amendements me paraissaient obscurs et repoussants. Mais je me suis rapidement rendu compte que cet objet miniature a priori barbant est bien plus intéressant et tactique qu’il n’y parait.

En effet, passé le fait qu’on ne peut pas faire de propositions qui n’ont rien à voir avec le contenu de la loi (cavalier législatif) et le fait qu’on ne peut pas engager l’argent de l’état qu’on a pas prévu (c’est l’article 40) , on peut : 

  • Utiliser les amendements pour attirer l’attention sur un sujet ou pousser un parlementaire ou le gouvernement à prendre position. (C’est l’amendement d’appel)
  • Faire consensus avec d’autres groupes pour augmentés son taux de succès. (C’est l’amendement de coalition) Et notre analyse montre que ca existe. 
  • Faire valoir son point de vue en estimant qu’il est nécessaire de faire porter une voie citoyenne ou sectorielle aux députés. (Ce sont les amendements clés en main) 
  • Préparer son repli stratégique en proposant une solution de rechange à un autre amendement plus ambitieux ou plus controversé. (c’est l’amendement de repli)
  • Ne pas être tactique et décider de faire de l’obstruction parlementaire en bombardant le projet / la proposition de loi d’amendements. (C’est la massification des amendements)

Et puis, un amendement, ca n’est pas simple ! 16 % des amendements uniquement sont adoptés. Même pour le gouvernement, la vie n’est pas simple avec seulement 47 % de succès. (Avec 37 amendements jugés irrecevables)  La preuve que même le gouvernement ca n’est pas toujours facile de respecter les règles. Mais normalement avec ca, vous avez toutes vos tactiques possibles pour vos amendements. Si vous voulez en savoir plus, voici la version longue :

Qu’est-ce qu’un amendement ?

Tout est en long et en large expliqué dans le livre “Le petit guide de l’amendement” de Mélody Mock-Gruet (chez L’HARMATTAN) qui co-organise le concours, mais on peut tenter de résumer les faits importants des amendements avec Follaw.sv !

Un amendement est une proposition de modification, d’ajout ou de suppression d’un article ou d’une partie d’un texte de loi en cours d’examen par une assemblée législative. Il a les éléments suivants :

Présentation d’un amendement par Melody Mock-Gruet

Les amendements peuvent être présentés par :

  • Un groupe parlementaire,
  • Plusieurs députés ou sénateurs individuellement,
  • Le gouvernement (dans ce cas, on parle d’amendements gouvernementaux).

Concernant le statut d’un amendement en France, voici les différents types :

  1. Adopté : L’amendement a été approuvé par les parlementaires. Si l’amendement est adopté en commission, il peut ensuite être intégré au texte qui sera examiné en séance plénière.
  2. Rejeté : L’amendement n’a pas été accepté par la majorité des parlementaires lors du vote.
  3. Irrecevable : Un amendement peut être déclaré irrecevable pour diverses raisons, notamment s’il est jugé hors sujet par rapport au contenu du texte de loi (on parle de “cavalier législatif”) ou s’il entraîne des dépenses non compensées par des recettes équivalentes (règle de l’irrecevabilité financière pour les parlementaires, le fameux article 40).
  4. Retiré : L’amendement est retiré par son auteur avant qu’il ne soit discuté ou voté. Cela peut se produire si l’auteur pense qu’il n’a plus de chance d’être adopté ou après une discussion qui a mené à un compromis.
  5. Tombé : Un amendement est considéré comme tombé lorsqu’il devient sans objet, par exemple si un autre amendement ayant le même effet a déjà été adopté ou si le texte auquel il se rapportait a été rejeté ou adopté dans une version qui rend l’amendement non pertinent. On a également dans ce cas de figure l’amendement non défendu qui n’est pas présenté ou discuté par son auteur ou par un autre parlementaire en son nom lors de la séance plénière ou en commission.

Ces statuts permettent de suivre l’évolution des propositions de modification des textes législatifs tout au long du processus législatif.

Que peut-on dire des amendements via Follaw ?

Dans la législature actuelle, il y a 69 286 amendements sur des dossiers législatifs. Ceux-ci ont touché 165 dossiers législatifs sur la période écoulée.

Il n’est pas bon d’être un amendement

La vie d’un amendement est difficile. Seuls 16 % des amendements ont été adoptés. Notons que la base de données de l’Assemblée nationale a deux erreurs d’encodage, un “article 40” avec 222 items alors qu’ils devraient être dans irrecevable, et “effacé” avec seulement 15 occurrences.

Même pour le gouvernement, il ne fait pas bon d’être un amendement

Même le gouvernement rend des amendements irrecevables avec 37 amendements jugés irrecevable. Il en a 138 qui sont rejettés ce qui est quand même énorme, tandis que 147 sont tombés ou ont été retirés. Un amendement du gouvernement n’a ainsi que 47 % de chance d’être accepté !

La plupart du temps, ce sont des amendements de compléments ou d’insertions que l’on peut observer. Sont suivis les amendements de substitutions qui cherchent donc à remplacer des choses.

Suit ensuite un cas très spécifique : celui des amendements d’appel. C’est une technique parlementaire utilisée principalement pour attirer l’attention sur un sujet ou pour pousser le gouvernement ou les autres parlementaires à prendre position sur une question spécifique. L’idée de cet amendement n’est généralement pas d’être adopté, mais de créer une occasion de débat ou de négociation autour d’un thème particulier.

Au jeu des amendements, le groupe LR à l’assemblée est clairement grande productrice suivis de Renaissance et du LFI-Nupes.

Ca collabore !

Est-ce que l’on vit dans une vie de tranchée où chacun vote pour sa paroisse ?

L’analyse des amendements co-signés entre groupes différents sur toute la législature à l’Assemblée nationale est intéressante. C’est ce qu’on peut appeler les amendements de coalition, soit des amendements proposés par un groupe de parlementaires appartenant généralement à plusieurs partis politiques différents, mais qui se sont alliés sur un sujet spécifique pour proposer une modification législative commune.

Cette pratique est souvent utilisée pour montrer un front uni sur des questions où il existe un consensus transpartisan, ou pour renforcer les chances d’adoption d’un amendement en rassemblant un soutien plus large au-delà des affiliations partisanes habituelles.

L’analyse montre la place hyper importante de LR qui peut jouer un rôle clé dans les lois en restant repliée la plupart du temps sur elle-même dans ses amendements. Mais on voit bien qu’ils font parfois le pont entre la majorité, la gauche et le RN. Ce dernier est la plupart du temps en totale autarcie, mais est également capable de faire des co-signatures avec d’autres groupes.

Ca arrive parfois que des groupes entiers co-signent des amendements comme ici :

La bataille saine de faire passer ses arguments par amendements

Un dossier législatif c’est aussi l’occasion de confronter une vision politique à la réalité du terrain. Il est donc logique que des amendements provenant de lobbies extérieurs viennent faire penser au gouvernement que la vie est parfois plus complexe qu’une idée lumineuse.

Les lobbies (ONG et entreprises) tentent d’influencer la loi en tentant d’expliquer leur cause et face à la pénibilité d’écrire un amendement construit livrent ce qu’on appelle des amendements clés en main. Cela désigne un amendement préparé à l’avance par une entité extérieure au parlement, souvent un groupe d’intérêt, puis fourni tel quel à un parlementaire qui accepte de le présenter officiellement lors des débats législatifs.

Cette pratique est parfois controversée car elle soulève des questions sur l’influence directe de groupes extérieurs sur le processus législatif et la souveraineté des décisions parlementaires. Personnellement, je la trouve éminemment démocratique et bien plus démocratique que la pratique qui va dans l’autre sens à savoir faire circuler dans des What’s app privilégiée ou des médias à l’abonnement prohibitif une fausse fuite du projet de loi dans l’optique de recevoir des retours.

Par ailleurs, les amendements clés en main s’identifient assez facilement avec Follaw par des doublons. Si les cas sont nombreux, je vais juste illustrer le principe avec l’exemple d’un amendement de repli similaire. (Un amendement de repli est une tactique parlementaire où l’on propose celui-ci en complément ou en substitution à un autre amendement plus ambitieux ou plus controversé. L’amendement de repli est généralement plus modéré ou plus restreint dans son objectif et est utilisé comme une alternative plus acceptable ou plus réalisable politiquement en cas de rejet de l’amendement principal.)

Et à y regarder plus près sur les questions d’agricultures et les plus de 4000 amendements en rapport avec ce sujet, on se rend compte d’un chiffre absolument fort : 38 % des amendements sur l’agriculture ont un doublon !

Les amendements similaires sont en fait des marqueurs de coalition avec des amendements similaires parmi tous les groupes. Ici une cartographie des groupes politiques qui ont eu durant la législature des amendements similaires concernant l’agriculture et l’alimentation. (qui sont parmi les lobbies les plus structurés)

Les seules communautés sont des logiques sénat versus Assemblée nationale avec parfois des logiques où un amendement qui n’est pas passé à l’Assemblée nationale est republié par le Sénat. Cela montre bien que tout le monde peut à un moment avoir exactement le même amendement à proposer. Alors certes, tous les amendements en doublon ne proviennent pas de lobbies, (coalition, etc.) mais cela montre une certaine forme dé démocratie.

Par contre, en faisant le même exercice, mais avec des individus : (points symbolisant un député ou sénateur, et la couleur étant plus ou moins sa couleur politique avec mauve pour Renaissance, bleu pour LR, vert pour EELV, rouge pour les socialistes, rouges foncés pour LFI et noir pour le RN) la réalité est moins belle avec des logiques essentiellement entre groupes mais si parfois des logiques existent !

Une question encore sur les amendements ? Demandez-nous. Ou sinon participez au concours !

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