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Infrastructures & transports : la bataille politique du financement s’intensifie


Le moins qu’on puisse dire est que la question du financement des infrastructures de transports en France est d’une actualité brûlante à tous les niveaux. Le gouvernement lui dédie une consultation publique des parties prenantes qui débouchera sur une conférence en mai et 10 semaines ensuite de travaux en ateliers. En parallèle, les usagers des transports se mobilisent pour faire entendre leur voix et leurs insatisfactions que nombre d’élus relaient sur les bancs de l’Assemblée nationale et du Sénat. Coup de sonde sur ce débat intense grâce à l’outil de veille sociétale et législative, Follaw.sv.


Nommé en mars dernier à la présidence d’Ambitions France Transports, la conférence de financement des mobilités qui se tient le 5 mai à Marseille, l’ancien ministre des Transports, Dominique Bussereau a déjà esquissé quelques pistes à explorer pour dégager les milliards d’euros nécessaires à cet immense chantier de modernisation qui doit également inclure un volet autour de la transition écologique et tenir compte d’un contexte budgétaire tendu. Un défi que l’actuel ministre des Transports, Philippe Tabarot, a chiffré dans une récente interview au quotidien économique La Tribune, à 3,5 milliards par an pour le ferroviaire et les routes.


L’enjeu est effectivement de taille pour définir un nouveau modèle de financement des infrastructures de transports à horizon 2040. Ceci d’autant plus que le pays s’est longtemps reposé sur les investissements des années précédentes. Ce qui a conduit à un sous-investissement dans les infrastructures routières et ferroviaires et une détérioration de celles-ci qui coûtent de plus en plus cher. Ce ne sont d’ailleurs pas les centaines d’élus et usagers mécontents de l’état dégradé des lignes Paris-Clermont-Ferrand et Paris-Orléans-Limoges-Toulouse qui diront le contraire. Le 15 avril, au cours d’une manifestation baptisée « les trains de la colère », ces derniers sont venus exiger des investissements significatifs au ministère des Transports.


L’épineuse problématique du financement


Durant cette 17ème législature, les parlementaires des deux chambres se sont particulièrement emparés du sujet à travers une myriade de requêtes. Ainsi, 191 amendements ont été déposés sur divers textes abordant la question du financement des infrastructures de transport dans l’Hexagone. L’un d’entre eux a particulièrement suscité des interrogations suite à son adoption le 9 avril dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique. Il s’agit de l’amendement n°148 porté par le député non-inscrit du Gers, David Taupiac.


Le texte dit en substance que « le présent amendement prévoit que la suppression de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) prenne effet à compter du 1er janvier 2026 […] les auteurs de cet amendement souhaitent que les crédits auparavant alloués à l’AFITF soient intégrés dans une mission budgétaire intitulée « Politique publique des transports » au sein du budget général de l’État, comme le recommande la Cour des Comptes. Cette dernière considère, à juste titre, que l’agence ajoute de la complexité et des doublons dans la gestion des budgets consacrés au financement des transports ».


Une vision qui n’a guère été goutée par un collectif d’élus et d’acteurs du secteur des transports. Dans une tribune publiée dans Le Monde, ce dernier conteste l’option envisagée. Pour lui, l’agence permet de sécuriser des budgets nécessaires sur le long terme et d’assurer la confiance entre Etat, territoires et entreprises. Et de conclure ainsi : « cette malheureuse initiative parlementaire fragilise la trajectoire d’investissement dans nos infrastructures de mobilité prônée par le Conseil d’orientation des infrastructures. Cette agence est un outil indispensable. Nous appelons donc avec force et conviction à son maintien ».


Les élus de gauche particulièrement actifs


Autre observation instructive à relever d’après l’outil Follaw.sv : les élus parlementaires des groupes socialistes et écologistes sont particulièrement mobilisés sur le dossier du financement des infrastructures de transports. A eux seuls, ils représentent plus d’un tiers des amendements déposés (17,89% pour les Verts et 17,37% pour les socialistes). Ils se situent loin devant le 3ème groupe le plus actif, à savoir les sénateurs des Républicains (8,95%).


Parmi les projets et propositions de loi en cours de lecture, on peut aussi remarquer certains textes offensifs et à la coloration politique marquée. Il y a notamment celui du député France Insoumise de Haute-Garonne, Christophe Gex qui milite pour la nationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes. En effet, les concessions autoroutières vont arriver à échéance entre 2031 et 2036. Quant au député France Insoumise de l’Hérault, Sylvain Carrière, celui-ci souhaite ardemment que le développement des zones à faibles émissions (ZFE) se poursuive et soit même renforcé contrairement à une majorité d’élus issus des rangs de la droite et du Rassemblement national.


Enfin, au jeu des questions posées par les députés et les sénateurs, le ministère des Transports est particulièrement interpelé en ce qui concerne la dégradation des infrastructures (50 questions sur un total de 54 !). Des questions qui émanent avant tout de groupes situés aux extrêmes de l’échiquier politique. Par exemple, les députés RN, Julien Odoul et Julien Guibert ont respectivement dénoncé la fermeture de petites lignes SNCF dans l’Yonne et en Bourgogne-Franche-Comté et la dégradation continue des infrastructures ferroviaires de la Nièvre. De l’autre côté du spectre, c’est la sénatrice du groupe Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste-Kanaky, Marianne Margaté qui s’indigne de la dégradation du service rendu aux usagers des lignes P et R du transilien et de l’insuffisance des moyens de réparation et de remplacement des lignes SNCF.


Effervescence maximum
Une chose est certaine. L’effervescence des élus politiques concernant le financement des infrastructures de transports est soutenue d’autant plus que cet enjeu touche également à des questions d’aménagement du territoire et donc des circonscriptions où ont été élus sénateurs et députés.
A cet égard, il est intéressant de noter que ce sont avant tout les acteurs politiques et les lobbies du secteur qui s’expriment le plus dans le débat public. Cumulées, leurs parts de voix pèsent pour deux tiers des publications qui sont diffusées. Ils devancent ainsi largement les médias et les journalistes dont la couverture du sujet est régulière mais sans focus spécifique. A voir si cette donne va évoluer lors de la conférence Ambitions France Transports le 5 mai à Marseille.

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