Fin de vie : après la dissolution, une reprise parlementaire sous un autre climat
Neuf mois après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron, l’un des grands chantiers sociaux du quinquennat a repris. Contrairement aux craintes exprimées à gauche – « La loi #FinDeVie ne pouvait pas en rester à des discussions avortées » (Carole Delga, PS) ou encore « Le droit de mourir dans la dignité ne peut attendre » (Matthias Tavel, LFI) – les travaux parlementaires ont redémarré autour de deux textes structurants.
Le Premier ministre François Bayrou a effectivement décidé, en partie de, scinder le projet de loi en 2 volets distincts : l’un consacré aux soins palliatifs, l’autre à l’aide à mourir.
Cette décision permettrait de clarifier des sujets très différents et d’éviter toute confusion. Elle viserait également à faciliter l’adoption des mesures sur les soins palliatifs, jugées moins controversées, tout en différant le débat plus sensible sur l’aide à mourir. Cette stratégie a pour objectif d’éviter qu’un rejet sur l’un des volets bloque l’ensemble du texte. François Bayrou, Premier ministre et catholique pratiquant, a lui-même exprimé des réserves sur la légalisation de l’aide à mourir.
Cette scission a suscité des réactions contrastées. Les partisans de l’aide à mourir craignent que cette séparation n’affaiblisse leurs revendications et ne ralentisse le progrès législatif. En revanche, les défenseurs des soins palliatifs estiment que cette approche permet de se concentrer sur l’amélioration de l’accompagnement en fin de vie avant d’aborder la question de l’aide active à mourir.
La Droite Républicaine à l’origine de cette distinction ?
Seules deux questions parlementaires écrites ont été recensées à ce sujet. En effet, sur cette 17ème législature, nous n’avons recensé que deux questions parlementaires (écrites) sur ces enjeux. Une question portée par LFI (Pierre-Yves Cadalen), et une autre de Corentin Le Fur, DR qui proposait déjà en mars 2025, de dissocier les deux sujets : 1) soins palliatifs ; 2) fin de vie.
TRAVAUX PARLEMENTAIRES
Fin de vie : le consensus retrouvé sur les soins palliatifs, une fois séparés de l’aide à mourir
Avant la dissolution de juin 2024, le projet de loi initial avait provoqué une intense mobilisation parlementaire, avec 5 439 amendements déposés, dont :
- 1 540 par Les Républicains (DR)
- 1 050 par le Rassemblement national (RN)
- 464 par Renaissance (RE)
- 334 par les Démocrates (DEM)
- 287 par les Socialistes (SOC)
En 2025, toujours sur les soins palliatifs et l’accompagnement :
- 561 par Les Républicains (DR)
- 153 par Ensemble pour la République (EPR)
- 127 par le Rassemblement national (RN)
- 35 par les Démocrates (DEM)
- 57 par les Socialistes (SOC)
Le projet de loi sur la fin de vie, initialement présenté en 2024, a fait l’objet de fortes tensions, tant à l’Assemblée qu’au sein de la majorité présidentielle. La question de l’aide à mourir a cristallisé les oppositions, dans un climat de polarisation intense.
En 2025, le paysage s’est partiellement recomposé. La réforme a été relancée via 2 propositions de loi distinctes, introduites après la dissolution.
Le ton du débat a changé : le volume d’amendements déposés a nettement diminué, notamment sur la partie relative aux soins palliatifs (1 410 amendements contre 5 439 en 2024). L’activité s’est recentrée sur quelques groupes politiques (Les Républicains, EPR, Horizons, RN).
En revanche, le texte sur l’aide à mourir reste extrêmement clivant, concentrant à lui seul plus de 3 800 amendements, et une mobilisation soutenue des groupes DR et RN, souvent en opposition frontale.
Adoption des amendements : qui pèse vraiment sur le texte ?
L’évolution des taux d’adoption des amendements entre 2024 et 2025 révèle des changements stratégiques :
- Le Rassemblement national, bien qu’en légère progression (adoptés : 0,86 % → 7,1 %), reste marginalisé. Plus de la moitié de ses amendements continuent d’être rejetés.
- Les Républicains passent de 1,4 % à 12,6 % d’adoption : un virage vers la sélectivité, avec moins de volume mais davantage de propositions intégrées.
- Renaissance passe de 22,4 % à 45,1 % d’adoption : signe d’un positionnement central et d’une meilleure influence sur l’architecture du texte.
- Les Socialistes, avec un taux d’adoption multiplié par quatre (6,6 % → 26,3 %), témoignent d’un recentrage sur des apports concrets.
- Le MoDem, avec un faible volume, reste stable autour de 5–6 %
Aide à mourir : la ligne de fracture persiste
Le texte sur l’aide à mourir demeure au cœur des tensions. Au 19 mai 2025, il a généré 3 801 amendements, dont :
- 30 % proviennent du groupe Les Républicains
- 15 % du Rassemblement national
- 9 % de l’EPR
- 5 % des Socialistes
- 4 % du MoDem
Ce volume élevé reflète un clivage politique persistant, notamment à droite et à l’extrême droite, particulièrement actives en commission.
À ce jour [19/05/2025] :
- 81 amendements ont été adoptés (dont : RN : 4 – DR : 7 – EPR : 2 – SOC : 19)
- 801 amendements ont été rejetés (dont : RN : 221 – DR : 386 – EPR : 56 – SOC : 28)
Ces chiffres confirment que la droite parlementaire concentre à elle seule près de 70 % des amendements déposés, mais reste peu suivie dans ses propositions. La gauche, en particulier les Socialistes, semble plus audible sur le fond.
Vers une issue référendaire ?
En cas de blocage, l’idée d’un référendum sur l’aide à mourir revient régulièrement, notamment évoquée par la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet :
“C’est uniquement si le débat devait s’enliser qu’il faudrait s’en remettre aux Français.”

Le terme “référendum” devient de plus en plus fréquent sur les réseaux, associé à des thématiques comme vie, retraites, immigration ou Ukraine, où RN, LFI , ECOLO et SOC sont les plus actifs.
SOCIÉTAL
Les enjeux de l’intime suscitent d’importants blocages
Plus de neuf Français sur dix se déclarent favorables à l’euthanasie lorsque la demande émane du patient lui-même.
Le regard porté sur l’euthanasie
Les sondages indiquent une opinion publique généralement favorable, ce qui s’explique en partie par le fait que chacun réfléchit à cette question à titre personnel, ce qui est souvent plus aisé que de devoir prendre une décision pour autrui. Par ailleurs, au cours des vingt dernières années, de nombreux cas de patients en état végétatif prolongé, ni véritablement vivants ni morts, ont nourri une réflexion approfondie. Ces éléments contribuent à percevoir cette question comme une liberté individuelle fondamentale.
Cette conception de la liberté, consistant à décider de son propre corps, est principalement portée par la gauche. Leur représentation actuelle, toutefois, demeure relativement faible, ce qui influe sur le rapport de forces dans le débat public.
L’association « fin de vie » et « liberté » dans le débat public
Une analyse des échanges sur les réseaux sociaux révèle 253 publications, 4 000 partages et 720 000 impressions autour de la thématique « fin de vie » associée à « liberté ». Ces interventions proviennent majoritairement des acteurs politiques (70 %), suivis des médias (15 %) et des lobbies (6 %).
La notion de « liberté » par les politiques EPR, SOC et RN :
- Renaissance, par la voix de Yaël Braun-Pivet , souligne le modèle espagnol qui encadre strictement le droit à choisir sa fin de vie, tout en respectant la liberté individuelle.
- Au sein d’EPR, Anne-Laurence Petel interpelle Bruno Retailleau sur l’importance d’employer « la liberté » pour mentionner le droit de choisir sa fin de vie.

- Chez les Socialistes, Carole Delga insiste sur la « liberté de conscience du patient » et rappelle que la majorité des Français, ainsi que 74 % des médecins, adhèrent à cette perspective.
- Le Rassemblement national ne recourt pas à la notion de liberté pour la fin de vie, pour les votes de ses politiques : une « liberté totale de vote » sur la question.
Le 19 mai, le journal La Croix titrait : « Lois fin de vie : “liberté de choix” contre “interdit de tuer”, la bataille a commencé à l’Assemblée nationale ».
En effet, la notion d’« interdit de tuer » demeure un élément central du débat public, régulièrement reprise dans les échanges sur les réseaux sociaux :
- Robert Le Bourgeois affirme ainsi ne pas vouloir « lever l’interdit de tuer ».
- Laurence Trochu oppose clairement « Soigner ou tuer ? ».
Une pétition avec une mobilisation restreinte, en date du 12 mai
Une pétition lancée le 12 mai, relayée notamment par Christine Boutin et Erwan Le Morhedec, a recueilli à ce jour près de 28 000 signatures sur un objectif de 100 000.
Publiée le 12 mai 2025, la pétition intitulée « Contre le projet de loi actuel sur l’aide active à mourir » comptabilisait 27 849 signatures au 20 mai, soit une progression de +1 751 signatures sur les dernières 24 heures.
Le pic de croissance a été observé entre le 13 et le 15 mai, période durant laquelle la pétition est passée de 619 à 17 221 signataires.
En matière de relais, la pétition bénéficie d’une visibilité très limitée : elle n’a pas été reprise dans les grands médias, et seuls parties prenantes comme Christine Boutin ou Erwan Le Morhedec l’ont relayée sur les réseaux sociaux.
Conclusion
Neuf mois après la dissolution, la réforme de la fin de vie a repris dans un cadre politique nouveau. Le texte sur les soins palliatifs, adopté à l’unanimité en commission, a vu son activité divisée par près de quatre (1 410 amendements contre plus de 5 400 en 2024).
En revanche, celui sur l’aide à mourir concentre à son tour les oppositions, avec 3 801 amendements au 19 mai.
Le 27 mai, cette réforme est adoptée par 305 voix contre 199. Si elle aboutit, la plus importante depuis le mariage pour tous. Elle doit à présent poursuivre son parcours législatif au Sénat.
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[Astuce Follaw] – Accès aux projets de loi sur la fin de vie (2024–2025)
Pour les utilisateurs de Follaw, il est possible de retrouver l’intégralité des dossiers législatifs relatifs à la réforme de la fin de vie en insérant directement les références suivantes dans la barre de recherche.
⚠️ Chaque texte est rattaché à une législature précise. Veillez à bien sélectionner la bonne période dans vos filtres de recherche.
💡 Astuce : il suffit de copier-coller la référence doc_ref dans la barre de recherche Follaw pour accéder aux amendements, rapports, débats, et suivis du texte.
Projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie (2024) :
📄 doc_ref:DLR5L16N49744
👉 Ce texte correspond au projet initial présenté par le gouvernement en avril 2024, débattu dans le cadre de la 16e législature.
Proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des patients en soins palliatifs (2025) :
📄 doc_ref:DLR5L17N51672
👉 Proposition de loi portée par Annie Vidal dans le cadre de la stratégie décennale. Texte rattaché à la 17e législature.
Proposition de loi instaurant une aide à mourir (2025) :
📄 doc_ref:DLR5L17N51670
👉 Texte présenté par Olivier Falorni, centré sur le droit à l’aide à mourir. Également rattaché à la 17e législature.
Ces trois références constituent des points d’entrée essentiels pour tout travail de veille ou d’analyse sur la réforme de la fin de vie.
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